dernière mise à jour le 14 février, 2002

Action solidaires : Le bulletin du CCFD 56
Axes de compréhension : L'Afghanistan - Un dominicain à Kaboul - Sélection de liens sur l'Afghanistan - Le Pakistan, cimetière de chrétiens ?

 ACTIONS SOLIDAIRES

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AXES DE COMPREHENSION

L'AFGHANISTAN

UN DOMINICAIN A KABOUL:

"J'AI CONNU ET AIMÉ L'ISLAM AFGHAN D'AUTREFOIS"

Religieux dominicain, ce sont mes études sur un maître spirituel ayant vécu dans la ville de Férat au XIe siècle, Abdullâh Ansârî, qui m'ont conduit à Kaboul. J'y suis resté trois mois avec une mission du CNRS en 1955-56. J'y suis revenu en 1962, invité par le gouvernement afghan, pour un séminaire. " Pourquoi ne restez-vous pas chez nous ? Nous savons que vous êtes religieux chrétien, mais nous avons confiance en vous ", m'a-t-on dit. Et j'ai signé un contrat avec la Faculté des lettres, pour y enseigner. l'histoire de la mystique musulmane !

Par la suite, 20 ans durant, j'ai surtout travaillé dans un lycée, dont tous les élèves, à part quelques hindous, étaient musulmans. J'ai aussi accueilli chez moi des enfants éclopés ou malheureux, sans que personne ne s'en offusque, bien au contraire. Plusieurs fois ne m'a-t-on pas dit : " C'est toi le vrai musulman ! Nos mollah ne recueillent pas de pauvres gosses. "?

À part les quelques étrangers, libres de pratiquer leur culte dans la chapelle de l'ambassade d'Italie, il n'y a pas que des chrétiens en Afghanistan. Les musulmans que j'y ai connus, dans les milieux officiels, chez moi, comme au lycée, étaient de confessions diverses : une majorité d'entre eux étaient sunnites, mais il y avait également une importante minorité chi'ite et même des ismaïliens, assez mal vus des uns et des autres. Il y avait entre eux quelques tiraillements, dus tant aux différences ethniques qu'aux appartenances religieuses. Dans ma maison, où nous étions une bonne vingtaine, ces oppositions étaient surmontées, au point de former une vraie famille, où chacun respectait la liberté de l'autre.

Dans l'islam que j'ai connu là-bas, à part de rares exceptions, je n'ai jamais trouvé de fanatisme. Celui des tâlibân vient de la formation reçue au Pakistan, où sévit l'école théologique de Déoband, connue pour son littéralisme et son étroitesse d'esprit.

Avant la conquête par les Pachtouns et la formation de l'Afghanistan dans ses actuelles frontières actuelles, le pays n'était qu'une partie de la grande province du Khorâsân qui, sous différentes dynasties, se caractérisa des siècles durant par sa culture. J'ai parlé d'Ansâri, au XXe siècle. Mais il me faut citer aussi les grands poètes que furent Firdawsî, Sanâ'î, Djâlâluddîn Rûmî (né à Ballkh avant d'émigrer vers l'actuelle Turquie), Djâmî, etc. et l'admirable miniaturiste du XVe siècle, Behzâd. Cette longue tradition à la fois culturelle et spirituelle ne pouvait que marquer l'islam afghan tel que je l'ai connu.

Les vingt dernières années, avec les communistes, puis les combats fratricides entre résistants, et enfin les tâlibân, ont malheureusement été néfastes à la recherche de Dieu dans un esprit de tolérance et d'amour. Mais ce n'est là, souhaitons-le, qu'une crise passagère et nous retrouverons, si Dieu le veut, l'islam afghan d'autrefois, le vrai, celui que j'ai connu et aimé.

Serge de Beaurecueil, op, a publié "Un chrétien en Afghanistan" (Cerf, 1984) et "Mes enfants de Kaboul" (Cerf, 1992).

Citation reprise du site d'informations religieuses Christicity

Sélection de liens sur l'Afghanistan

L'un des Bouddha géants de Bamyan avant la destruction par les taliban

L'un des Bouddha géants de Bamyan avant la destruction par les talibans



 

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LE PAKISTAN : « CIMETIERE DES CHRETIENS » ?

Paris, le 1er novembre 2001, Laurent Larcher [DECRYPTAGE, analyse]

Ce dimanche 28 octobre, six personnes armées de kalachnikov sont entrées dans l'église Saint-Dominique de Bahawalpur, et ont tiré sur les fidèles au cri de « Le Pakistan et l'Afghanistan seront le cimetière des chrétiens ». Bilan : 18 morts et des dizaines de blessés de confession protestante. Les deux communautés chrétiennes du lieu, catholique et protestante, utilisent tour à tour l'église Saint Dominique. Normalement, l'office célébré à l'heure de l'attentat aurait dû être catholique. un changement d'horaire déterminé quelques jours auparavant en a décidé autrement.

Cet attentat malheureusement ne surprend personne. Depuis le début des bombardements américains, la situation des trois millions de chrétiens du Pakistan (deux pour cent de la population, catholiques en majorité), s'est considérablement fragilisée. Vexations, menaces, humiliations et abus se sont multipliés. dans un pays créé d'abord pour accueillir les musulmans d'Asie du Sud. L'église Saint Dominique avait d'ailleurs reçu des menaces précises du JUI (Jamiat Ulema-e-Islami), le principal soutien des taliban afghans. Dans ce climat d'insécurité, les communautés chrétiennes avaient obtenu du gouvernement d'Islamabad une protection policière. qui s'est révélée insuffisante le 28 octobre (un seul policier en faction devant l'église, tué au cours de la fusillade).

Avant le 11 septembre, les chrétiens pakistanais souffraient déjà d'un véritable apartheid religieux. Issus pour la plupart de familles hindoues de basses castes, converties du temps de l'Empire Britannique, les chrétiens ont particulièrement souffert ces dernières années de l'islamisation du pays. Perçus et bien souvent traités comme des citoyens de seconde zone, la plupart d'entre eux occupe des emplois subalternes et vit surtout dans les katchi abbadi (bidonvilles). Ils n'appartiennent pas au même collège électoral que les musulmans, et ne peuvent élire que quatre députés, tandis que les pakistanais musulmans en élisent deux cent dix sept. Autre signe de discrimination, la parole d'un musulman vaut celle de deux baptisés dans les procès. ce qui n'est pas sans danger dans un pays où toute personne qui insulte le Coran ou le prophète peut-être condamnée à mort. Une cinquantaine de chrétiens sont aujourd'hui en prison, accusés à tort de blasphème. Mgr John Joseph s'est suicidé en mai 1998 pour protester contre cette loi inique. En 1997, des émeutes anti-chrétiennes avaient déjà fait deux morts.

Cela dit, depuis les événements du 11 septembre et les bombardements américains sur l'Afghanistan qui ont suivi, c'est la première fois qu'un massacre sanglant de ce type est commis contre la communauté chrétienne. Le jour même, le pape Jean-Paul II a exprimé « sa condamnation absolue de ce nouvel acte tragique d'intolérance ». D'ailleurs depuis le 25 octobre, le président du Conseil pontifical "Cor Unum", Mgr Paul Josef Cordes, était au Pakistan à la demande du pape Jean-Paul II afin d'étudier « les possibilités concrètes qui s'ouvrent à l'Eglise du Pakistan d'assister nos frères et sours dans le besoin. » Dans ce message adressé aux évêques du Pakistan, le pape leur faisait savoir qu'il «implore le Père de toutes les miséricordes de vous protéger, ainsi que vos communautés, et de vous inspirer des sentiments de sagesse et de courage tandis que vous affrontez les défis de cette heure d'épreuve. »

L'inquiétude de Jean Paul II était malheureusement fondée. La tuerie du dimanche 28 octobre en a donné une dramatique illustration. Il y a fort à parier que ce massacre ne sera pas le dernier. La solidarité religieuse des musulmans pakistanais avec les taliban d'Afghanistan s'amplifie en effet de jour en jour. L'intensification des bombardements, la décision de continuer ces opérations pendant le Ramadan, les images des victimes civiles diffusées avec complaisances par Al-Jazira, et enfin le dernier appel d'Oussama ben Laden à la Jihad anti-croisés en direction des Pakistanais... attisent les haines et renforcent incontestablement l'opposition présidentielle. Ce jeudi 1er novembre, mille guerriers pakistanais ont franchi la frontière afghane pour rejoindre les troupes taliban.

Cette situation n'est pas sans rappeler un précédent : le Cambodge de 1970 à 1975. Il est possible que la stratégie américaine de bombardements massifs (les B 52 ne sont pas des tireurs d'élite) produise les mêmes effets sur la population locale qu'au Cambodge. Bien que ces bombardements ne soient évidemment pas de la même ampleur, la charge symbolique et émotive des B 52 ne doit pas cependant être sous-estimée, dans un conflit où l'image est une arme de guerre et de propagande redoutable. Le régime schizophrène du général Moucharraf ne risque-t-il pas de connaître le même sort que celui du maréchal Lon Nol en 1975 ? Plus les bombardements se prolongent, et plus ils préparent le terrain au « Khmères verts » du Pakistan.

En attendant, les chrétiens pakistanais risquent de payer le prix fort de cette guerre aérienne entre les islamistes et l'armée américaine. Le soir de l'attentat du 28 octobre, le Père John Williams de Peshawar révélait à la presse la lettre de menace adressée à des écoles et à des congrégations chrétiennes : « Chrétiens ! Après l'attaque américaine vous avez fermé vos écoles. Si vous les rouvrez, nous y déposerons des bombes. Ne prenez pas cet avertissement pour de simples mots, nous ferons ce que nous disons. Inch Allah. » Cette menace était signée une nouvelle fois par le Jamiat Ulema-e-Islami.

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Analyse reprise du site d'informations religieuses Christicity

 













 

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